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La reconnaissance du préjudice de perte d’une chance de survie

Depuis maintenant plusieurs années, la perte de chance de survie est reconnue comme un mécanisme d’évaluation du dommage permettant une juste indemnisation des ayant-droits des victimes tout en respectant le principe de réparation intégral

Sur le plan administratif, c’est travers d’une décision du Conseil d’État de 2007 que l’appréciation de cette perte de chance fut posée. La haute juridiction avait en effet précisé que « dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé, n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation, qui incombe à l’hôpital, doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue » (CE, 7 décembre 2007, N° 289328 – CENTRE HOSPITALIER DE VIENNE).

Cette approche visant à indemniser les proches en raison de la perte d’une chance certaine de survie a depuis connue un véritable succès comme le montre le nombre de décisions récentes réutilisant le raisonnement. (CE, n°306354 26 mai 2010; CAA LYON, N° 09LY01486, 3 février 2011 ; CAA LYON N° 09LY01966 du 15 mars 2011 ; CAA Paris N° 08PA04569 du 29 juillet 2011 ; CAA Douai N° 10DA01122 du 8 novembre 2011; CAA Marseille N° 09MA02820 du 12 mars 2012 ; CAA Douai N° 10DA01524 du 12 avril 2012 ; CAA Nantes N° 10NT01784 du 24 mai 2012 ;  CAA Nantes, N° 11NT00187, 21 juin 2012)

Sur le plan judiciaire, c’est à la lecture d’une décision de 2010 la Cour de Cassation que l’appréciation est désormais faite. En effet, le 14 octobre 2010 la première chambre civile a précisé le principe suivant : « la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que ni l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entrainé le décès n’étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par le médecin, laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de la victime, et la perte d’une chance de survie pour cette dernière. » (Cass. Civ. 14 octobre 2010, n° 09-69195,) Là encore, l’approche favorable aux victimes a continué à être par la suite retenue. (C. Crim, n°J09-873753, novembre 2010,  Cass. Civ ; 1ère 7 juillet 2011, n° 10-19-766, Cass. Civ. 22 septembre 2011, n° 10-21799)

Néanmoins, depuis peu, l’expression « perte de chance de survie » fait à nouveau parler d’elleen ce qu’elle pourrait être utilisée pour désigner également l’indemnisation des ayants droit d’une victime en raison du préjudice moral que celle-ci aurait subie du fait de la prise de conscience de son décès imminent.

Dans un arrêt du 13 mars 2007, la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation, a en effet considéré comme valable le raisonnement visant à dire que « le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvée par la victime, avant son décès, en raison d’une perte de chance de survie, étant né dans son patrimoine, se transmet à son décès à ses héritiers ». (Cass. 1ère civ., 13 mars 2007, n° 05-19020, Resp. civ. et assur. 2007, comm. 207)

L’affirmation n’est qu’à demi-vraie, car, lorsque l’on relit cette décision, nous pouvons noter que ce n’est pas la perte de chance de survie qui est en elle-même indemnisée, en tant qu’évaluation du nombre d’années perdues, mais bien le préjudice moral résultant de la prise de conscience par la victime de celle-ci avant son décès.

Dès lors, l’utilisation de l’expression « perte de chance de survie » est, à ce propos, malheureuse, car elle confond le préjudice indemnisable avec un élément de participant à sa cause.

L’expression « perte de chance de survie » ne doit pas être confondue avec celle de « souffrance morale née de la conscience d’une perte de chance de survie »

Ce préjudice moral né de la prise de conscience d’une espérance de vie réduite qui est reconnu également sur le plan administratif (CE, Sect., 29 mars 2000, AP-HP, n° 195662) pourra être indemnisé dès lors que les ayants droit apporteront la preuve que la victime a pu souffrir moralement de son décès à venir.

Même si les juridictions sont encore réticentes à le reconnaître, le Cabinet Périer Chapeau considère que ce préjudice doit être systématiquement invoqué dès lors que les conditions permettant sa caractérisation sont réunies.

Il doit d’ailleurs être noté que dans une récente décision par-devant le Tribunal de Grande instance de Pontoise, le Cabinet Périer Chapeau a pu obtenir à ce titre l’indemnisation de l’épouse d’un homme décédé suite à un défaut de diagnostic et qui, entre le moment où son état s’était aggravé et celui de son décès, avait subi une souffrance morale « en raison de la perte d’une espérance de vie » devant être réparée de manière distincte que le préjudice lié aux souffrances endurées.