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29/10/2014

Le contrôle par la Cour de cassation « des préjudices permanents exceptionnels »

L’ouverture à cassation de ce poste de préjudices « à résonance particulière » n’est pas fréquente. Dans cette espèce récente, la Cour de cassation a considéré que le poste « des préjudices permanents exceptionnels » constituait un « préjudice distinct de celui réparé par le déficit fonctionnel permanent (DFP) ».

Façade de la Cour de cassation© Xiongma

Le contrôle effectué par la Cassation sur ce poste de préjudice n’est pas fréquent et mérite, pour cette raison, d’être remarqué.

Cet arrêt de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a donné lieu à censure d’une décision du 6 novembre 2012 de la Cour d’appel de Caen ; il renvoie les parties devant la cour d’appel de Rouen (Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 septembre 2014, numéro de pourvoi 13-10691).

Le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime, implique d’accommoder tel ou tel préjudice extra-patrimonial permanent à la réalité « soit des circonstances et de la nature du fait dommageable ».

C’est la raison pour laquelle, en 2005, le rapport Dintilhac suggérait de créer « Un poste « Préjudices permanents exceptionnels », à insérer dans les postes de préjudices extra-patrimoniaux, qui favoriserait une meilleure indemnisation des traumatismes durables atteignant certaines victimes en raison de la nature particulière de l’événement qui est à l’origine de leur dommage, tel qu’un attentat ou une catastrophe collective. » (Jean-Pierre Dintilhac, Président du groupe de travail, Président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation).

En outre, « Pour ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de préjudice corporel, il a  été prévu un poste « préjudices permanents exceptionnels » qui permettra, d’indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extra-patrimonial permanent particulier non indemnisable par un autre biais et qui prennent une résonnance toute particulière soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature de l’accident à l’origine du dommage. C’est notamment le cas pour la personne d’origine japonaise victime d’un dommage à la colonne vertébrale en France, qui est alors dépourvue de la faculté de s’incliner pour saluer, signe d’une grande impolitesse dans son pays d’origine. Il s’agit ici des préjudices spécifiques liés à des événements exceptionnels comme des attentats, des catastrophes collectives naturelles ou industrielles de type “A.Z.F.”. » (Rapport du groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels, juillet 2005. Groupe de travail dirigé par M. Jean-Pierre Dintilhac, Président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation).

C’est précisément ce que la Cour énonce :

  •  « Attendu que le poste des préjudices permanents exceptionnels indemnise des préjudices extrapatrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats ;
  •  Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… a été victime d’une tentative d’assassinat dont l’auteur a été condamné par une cour d’assises ; qu’elle a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions d’une demande en réparation de ses préjudices ;
  •  Attendu que, pour fixer à une certaine somme l’indemnité devant être versée à la victime au titre du préjudice extrapatrimonial permanent, l’arrêt énonce que celle-ci réclame également une somme de 10 000 euros pour préjudice moral, faisant valoir qu’il existe un préjudice distinct de celui réparé par le déficit fonctionnel permanent (DFP) dans la mesure où compte tenu des liens qui l’unissaient à son agresseur ce préjudice dépasse la notion de douleur morale prise en compte dans le DFP ; que le rapport Y… a estimé qu’il était nécessaire de ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de préjudice et considéré qu’il était permis de prévoir un poste « préjudices permanents exceptionnels » qui permette d’indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extrapatrimonial ayant une résonance particulière, soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature des faits à l’origine du dommage ; qu’en l’espèce, Mme X… a été victime d’une tentative d’assassinat de la part de son ami, lequel lui aurait porté de nombreux coups de couteaux sur tout le corps ; que les circonstances de cette agression, par un proche, lui permettent d’obtenir une indemnisation au titre d’un préjudice permanent exceptionnel non indemnisé au titre du DFP ; qu’il lui sera alloué de ce chef la somme de 5 000 euros ;
  •  Qu’en statuant ainsi, sans caractériser l’existence d’un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct du préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés inclus dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent par ailleurs indemnisé, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés ; […] ».

Le poste des « préjudices permanents exceptionnels » est bien évidemment… exceptionnel mais nécessaire et ne fournit donc pas une matière jurisprudentielle particulièrement abondante.