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07/06/2015

L’appréciation du préjudice de perte d’une chance résultant d’une erreur de diagnostic

Les juges du fond apprécient souverainement l’étendue de la perte de chance ainsi que l’évaluation des préjudices qui en découlent.

(Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 27 mai 2015, n° 368440 : à retrouver aux tables du recueil Lebon ou sur : www.conseil-etat.fr)

Médecin appuyée à un mur, en train de réfléchir

L’origine de l’affaire : une erreur de diagnostic

Un patient est admis aux urgences du CHU de Nice en avril 2001 pour des céphalées, vomissements et raideurs de la nuque, puis rejoint son domicile, après examen par un interne et injection d’antalgiques.

Admis de nouveau aux urgences cinq jours plus tard, il se voit diagnostiquer une hémorragie méningée par rupture d’anévrisme cérébral, dont il gardera des séquelles jusqu’à son décès en 2006 : « En dépit de l’intervention qui a été réalisée, M. G… est demeuré atteint, jusqu’à son décès survenu le 21 novembre 2006, de très graves séquelles ».

Les ayants-droit de la victime recherchent la responsabilité du CHU et obtiennent gain de cause devant le tribunal administratif, avant que la Cour administrative d’appel ne réduise leur indemnisation.

Le tribunal administratif de Nice, estimant qu’un retard fautif dans le diagnostic et le traitement avait entraîné pour le patient une perte de chance évaluée à 100 % d’échapper au dommage, a condamné le CHU de Nice à verser, au titre des préjudices subis par M. G. avant son décès, une somme de 220 336,46 euros aux requérantes et, au titre du préjudice moral subi par son épouse et ses deux filles, une somme de 30 000 euros chacune.

L’avocat du CHU de Nice a relevé appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Marseille.

S’agissant de la perte de chance, le Conseil d’État considère que « la cour a estimé qu’à supposer qu’ait été prescrit dès le 16 avril 2001, date de la première admission de l’intéressé au service des urgences de l’hôpital, un examen tomodensitométrique ou une IRM, un tel examen n’aurait pas nécessairement pu être réalisé avant la rupture de l’anévrisme, survenue le 21 avril suivant ».

Il valide donc l’appréciation de la Cour administrative d’appel.

La décision du Conseil d’État

La Haute juridiction administrative estime toutefois que la Cour administrative d’appel méconnaît le sens des demandes des requérantes :

« Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; que le droit à réparation d’un dommage est transmis aux héritiers même si la victime décède avant d’avoir introduit une action en réparation ; que Mme E…, conjoint survivant, ainsi que Mme F… G… et Mme H… G…, filles de M. G…, avaient été saisies de plein droit des biens, droits et actions du défunt et avaient, dès lors, qualité, le cas échéant sans le concours des autres indivisaires, pour exercer l’action indemnitaire tendant à obtenir, au bénéfice de la succession, la réparation du préjudice subi par M. G… du fait de la faute imputable au CHU de Nice ; qu’en jugeant que Mme E…, Mme F… G… et Mme H… G… ne s’étaient pas présentées devant les premiers juges afin d’obtenir, au bénéfice de la succession, l’indemnisation du préjudice subi par M. G… mais s’étaient bornées à agir en leur nom personnel, ce qui l’a conduit, d’une part, à refuser d’admettre l’intervention des autres ayants droit du défunt au motif qu’elle n’avait pas le même objet que l’appel incident des demanderesses de première instance et, d’autre part, à limiter les indemnités accordées à celles-ci au titre des préjudices subis par M. G… en fonction de leurs parts respectives dans les droits de succession, la cour s’est méprise sur la portée des écritures dont elle était saisie par ces trois requérantes et a commis une erreur de droit ».

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État majore l’indemnisation des requérantes.