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06/09/2015

Le cumul de la PCH et de l’indemnisation allouée par l’assureur

Les victimes d’accidents corporels peuvent-elles cumuler l’indemnisation allouée par l’assureur et la prestation de compensation du handicap (PCH) versée par le département ?

La prestation de compensation du handicap est-elle déductible de l'indemnisation versée par l'assureur?© connel_design

La question du cumul de la PCH et de l’indemnisation par l’assureur

Les victimes d’un accident peuvent-elles cumuler l’indemnisation de l’assureur et la prestation de compensation du handicap versée par le département ?

Telle est la question que se posent les avocats spécialisés en réparation du préjudice corporel.

La prestation de compensation du handicap constitue une aide personnalisée permettant la prise en charge des dépenses liées au handicap. Son régime juridique est défini aux articles L.245-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles. Elle est versée par le Département.

Une victime d’accident de la circulation ou d’accident médical, présentant des séquelles physiologiques importantes, est susceptible de percevoir la PCH.

Si les conditions de la responsabilité le permettent, cette dernière est également susceptible de voir déclarer en justice l’assureur de l’auteur de l’accident responsable de son préjudice. Par conséquent, l’assureur est tenu de réparer les conséquences du handicap.

L’enjeu pour les victimes est donc des plus concrets. Si l’assureur est déclaré responsable, la victime peut-elle cumuler les sommes dues par l’assureur et la PCH ?

La victime peut-elle cumuler les sommes dues par l’assureur et la PCH ?

D’une manière générale, la Cour de Cassation opère une distinction entre les prestations présentant un caractère forfaitaire et celles qui présentent un caractère indemnitaire. C’est à ce titre que l’assureur de la victime, lequel ne fait pas partie de la liste des tiers payeurs de l’article 29 de la Loi Badinter, peut être subrogé dans les droits de cette dernière pour récupérer les provisions versées à la victime contre l’assureur responsable.

Les prestations forfaitaires sont cumulables avec l’indemnisation par l’assureur, au contraire des prestations indemnitaires.

Le critère permettant de qualifier de forfaitaire ou d’indemnitaire une prestation est le suivant : les prestations forfaitaires sont déterminées par des barèmes fixes indépendants des dommages que subit la victime. Les prestations indemnitaires sont déterminées en fonction du préjudice subi par la victime.

Toute la question est donc de savoir si la PCH est déterminée par un barème fixe ou en fonction du préjudice réellement subi par la victime.

La PCH est déterminée par un barème fixe ou en fonction du préjudice réellement subi par la victime ?

Cette question est éminemment complexe.

Certaines dispositions de l’annexe 2-5 du Code de l’action sociale et des familles, intitulé Référentiel pour l’accès à la prestation de Compensation, peuvent laisser penser que la PCH est déterminée en fonction du préjudice réellement subi par la victime. L’article 2 de cette annexe énonce que « la détermination du niveau de difficulté se fait en référence à la réalisation de l’activité par une personne du même âge qui n’a pas de problème de santé. Elle résulte de l’analyse de la capacité fonctionnelle de la personne, capacité déterminée sans tenir compte des aides apportées, quelle que soit la nature de ces aides. Elle prend en compte les symptômes (douleurs, inconfort, fatigabilité, lenteurs) qui peuvent aggraver les difficultés dès lors qu’ils évoluent au long cours) ».

Dans le même ordre d’idée, l’article 3, intitulé Détermination personnalisée du besoin de compensation, énonce différents facteurs pour déterminer les besoins de la personne handicapée : facteurs qui limitent l’activité ou la participation (déficiences, troubles associés, incapacités, environnement), les facteurs qui facilitent l’activité ou la participation et le projet de vie exprimé par la personne.

Mais si les besoins de la personne handicapée suite à un accident sont évalués en fonction de l’aide humaine et technique nécessaire, l’aide est ensuite versée selon un taux horaire pré-déterminé… ce qui fait dire à certains commentateurs que la PCH est versée forfaitairement, et donc, n’est pas susceptible d’être déduite des indemnités versées par l’assureur.

La jurisprudence de la Cour de cassation a fluctué entre les deux interprétations pendant de longues années.

Désormais, la Cour envisage la situation de manière pragmatique.

L’analyse des dernières décisions montre que la qualification de la nature de la prestation varie selon la nature de l’assureur tenu à réparation.

Si l’assureur est une compagnie d’assurance, la PCH n’est pas déductible. Les juges qualifient la PCH de forfaitaire. La victime peut donc cumuler la PCH et l’indemnisation de l’assureur (Cass, Civ 2e, 19 mars 2015, n° 14-12.792).

En revanche, si l’indemnisation est versée par un fonds de garantie (ONIAM, Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires), organisme fondé sur la solidarité nationale, la PCH est a priori considérée comme indemnitaire et se déduit du montant de l’indemnisation. La victime ne peut donc cumuler la PCH et l’indemnisation (Cass, civ 2e, 16 mai 2013, N°12-18093, concernant le FGAO ; Cass, Civ 2e, 13 février 2014, n° 12-23731, concernant la CIVI ; Conseil d’Etat, 23 septembre 2013, N° 350799, s’agissant de l’ONIAM).

Toutefois… ce premier septembre 2015, un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation opère un nouveau revirement (Cour de cassation, chambre criminelle, 1er septembre 2015, N° de pourvoi: 14-82251). Selon la chambre criminelle, la prestation de compensation du handicap n’est pas déductible du montant de l’indemnisation due par le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO).

Cette différence de traitement selon la nature de l’assureur s’expliquerait vraisemblablement par le caractère subsidiaire de l’indemnisation par un fonds de garantie. Ainsi, le FGAO n’a vocation à indemniser la victime que lorsque le responsable de l’accident n’est pas assuré ou est inconnu. De même, l’ONIAM n’indemnise la victime qu’en cas d’absence de faute médicale.

Le Fonds de Garantie intervenant ainsi subsidiairement, en l’absence de responsable, sa vocation se limite à indemniser les postes de préjudices non pris en charge par d’autres organismes.

Cette jurisprudence présente toutefois le défaut majeur de garantir une indemnisation différente à la victime selon qu’un responsable est condamné en justice ou non.

Une précision de la Cour régulatrice sur cette question serait donc la bienvenue dans les prochains mois…