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02/12/2014

Produits de santé défectueux : une première étude épidémiologique française sur les conséquences du Distilbène sur trois générations

Le Professeur Michel TOURNAIRE a présenté le 1er décembre les résultats d’une étude évaluant les conséquences du Distilbène « pour les trois générations concernées : les mères, les filles et les fils (exposés in utero) ainsi que les petits enfants ».

Le Distilbène est la dénomination commerciale d'une hormone de synthèse prescrite en France entre 1950 et 1977 aux femmes enceintes pour prévenir les fausses couches© viappy

Une première étude épidémiologique française sur les conséquences du Distilbène pour trois générations concernées

Le Professeur Michel TOURNAIRE a présenté le 1er décembre les résultats d’une étude évaluant les conséquences du Distilbène : il s’agit de « la première étude française épidémiologique évaluant les conséquences du Distilbène pour les trois générations concernées : les mères, les filles et les fils (exposés in utero) ainsi que les petits enfants ».

En 2013, l’Association Réseau D.E.S. France a lancé une étude, financée par l’agence du médicament et soutenue par la Mutualité Française, « dont le but principal était d’évaluer le risque de cancer du sein pour les « filles DES » en France ».

Les résultats de l’étude « Distilbène 3 générations », à retenir, concernent notamment :

  •  Le risque de cancer du sein qui apparaît multiplié par deux pour les 80.000 « filles D.E.S. » françaises (exposées in utero).
  •  Il existe pour la 3ème génération (issue des « filles D.E.S. »), une augmentation d’enfants Infirmes Moteurs Cérébraux (IMC), qui peut être liée à un taux plus élevé de naissances prématurées.

« La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a pas d’augmentation d’anomalies génitales chez les filles à la 3e génération (les « petites-filles DES »), contrairement à ce qui était redouté », indique à l’AFP le professeur Michel TOURNAIRE, conseiller médical du réseau D.E.S., lors de la présentation de cette étude.

Le Distilbène est la dénomination commerciale d’une hormone de synthèse prescrite en France entre 1950 et 1977 aux femmes enceintes pour prévenir les fausses couches.

Les Etats-Unis, alertés par l’apparition de cancers génitaux chez les filles de mères traitées, avait interdit, dès 1971, la prescription de ce produit pendant la grossesse.

Selon le Réseau D.E.S. France : « Au moins 160.000 enfants nés pour la plupart dans les années 1970 auraient été exposés au produit ».

Le risque de cancer du sein est multiplié par deux pour les 80.000 « filles DES » exposées in utero en France, quelle que soit l’âge (moins de 40 ans, 40-49 ans, 50 ans et plus).

Il n’y a cependant pas d’aggravation avec l’avancée en âge, contrairement à ce qu’avait suggéré une étude américaine.

Il y aurait ainsi environ 16.000 à 20.000 cas de cancers du sein chez les « filles DES » au lieu des 8.000 à 10.000 cas attendus en tenant compte de la fréquence de ce cancer chez les femmes en général, note l’association.

L’étude confirme l’augmentation pour la 3e génération (issue des « filles DES ») du nombre d’enfants Infirmes Moteurs Cérébraux (IMC) liée à un taux plus élevé de prématurés et de très grand prématurés.

L’étude sur 3 générations (mère traitée et descendants), conduite avec plus de 10.000 réponses aux questionnaires, et une comparaison entre plus de 3.000 femmes exposées au Distilbène in utero et plus 3.000 femmes témoins non exposées, montre également une augmentation d’atrésies de l’oesophage (obstruction), qui se traite chirurgicalement, chez les petits-enfants (14 cas et aucun dans le groupe témoin).

Les dégats occasionnés par cette molécule sont aujourd’hui largement reconnus par la littérature scientifique mais les procédures engagées se sont heurtées au problème de l’administration de la preuve par les victimes.

A cet égard, deux arrêts essentiels sont consultables sur le site Internet de la Cour de cassation :

« Le 24 septembre 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu deux arrêts importants dans des instances opposant aux laboratoires ayant fabriqué du Distilbène deux femmes imputant la grave pathologie dont elles sont atteintes à la prise de cette molécule par leur mère pendant leur grossesse.

Deux femmes, atteintes d’un adénocarcinome à cellules claires du col utérin, ont assigné en réparation les laboratoires UCB Pharma et Novartis, fabriquants d’une hormone de synthèse dénommée Diéthylstilbestrol, communément appelée DES ou Distilbène, en soutenant que la prise de cette molécule, durant la grossesse de leur mère, avait provoqué cette pathologie.

Par arrêts prononcés les 29 novembre 2007 et 10 avril 2008, la cour d’appel de Versailles les a déboutées de leur action, mais pour des raisons différentes.

L’arrêt du 29 novembre 2007 (aff. n° 0810081) a débouté la première des deux plaignantes au motif qu’elle ne rapportait pas la preuve qu’elle avait été exposée au Distilbène.

Dans l’arrêt du 10 avril 2008 (aff. n° 0816305), la cour d’appel a retenu que s’il était bien établi que le DES était la cause directe de la tumeur, aucun élément de preuve n’établissait qu’il avait été administré à la mère de la plaignante un produit fabriqué par l’un de ces deux laboratoires.

La première chambre civile a rejeté le pourvoi formé contre le premier de ces deux arrêts. En effet, la Cour de cassation, dont la mission est d’harmoniser l’interprétation de la loi et de s’assurer de la conformité des décisions de justice à la règle de droit, ne constitue pas un troisième degré de juridiction. Il ne lui appartenait pas, dès lors, de contrôler l’appréciation par la cour d’appel de la portée et de la valeur des éléments de preuve qui lui avait été soumis.

La première chambre civile a, en revanche, cassé l’arrêt du 10 avril 2008 considérant que, dans la mesure où, dans cette affaire, il avait été établi que le Distilbène avait été la cause directe de la tumeur, il s’en déduisait que la plaignante avait bien été exposée in utéro à la molécule litigieuse. Inversant la charge de la preuve en faveur de la victime, la Cour de cassation a décidé qu’il appartenait alors à chacun des laboratoires de prouver que son produit n’était pas à l’origine du dommage.

Il reviendra à la cour d’appel de Paris, devant laquelle la cause et les parties ont été renvoyées, de rechercher, en vue de l’indemnisation des victimes, si l’un de ces laboratoires peut démontrer que son produit n’a pas été administré à la plaignante.

Dans les deux affaires, l’avocat général avait conclu au rejet des pourvois. »