Responsabilité médicale : le Conseil d’État consolide l’obligation d’information
Le Conseil d’État estime qu’un médecin manque à son devoir d’information dès lors qu’il autorise la présence d’un tiers lors d’un examen médical intime, contre la décision de sa patiente.
L’avis du Conseil d’État sur le devoir d’information du médecin
Le Conseil d’État estime qu’un médecin manque à son devoir d’information dès lors qu’il autorise la présence d’un tiers lors d’un examen médical intime, contre la décision de sa patiente.
« Un médecin qui, en dépit des observations faites auparavant par le patient, a permis la présence d’un tiers lors d’un examen intime sans que le patient ait pu s’y opposer avant le début de l’examen, manque à son devoir d’information du patient » (M. H…, 4 / 5 SSR, 361534, 19 septembre 2014, B, M. Stirn, président, M. Moreau, rapporteur, Mme Dumortier, rapporteur public).
Exposé de l’affaire
En l’espèce, une patiente s’était rendue chez un médecin pour subir un examen du col de l’utérus. Le médecin avait alors informé la patiente que l’appareil utilisé réclamait l’assistance d’un technicien.
La patiente avait refusé, et le médecin lui avait alors indiqué qu’il serait procédé à une colposcopie classique, avec un appareil similaire.
En l’absence du praticien, la patiente avait demandé au technicien de sortir de la salle d’examen.
Le médecin, trouvant le technicien à l’extérieur de la salle, lui avait cependant demandé de revenir dans la salle d’examen.
Le juge administratif, dans cet arrêt du 19 septembre dernier, donne raison à la patiente :
- « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, lorsqu’elle s’est rendue le 12 octobre 2009 à la consultation du Dr A… pour subir un examen du col de l’utérus, Mme D… a été informée de ce que l’Institut mutualiste Montsouris était engagé dans un protocole de recherche avec le CNRS et l’école Polytechnique requérant l’utilisation d’un appareil de colposcopie modifié et l’assistance d’un technicien ; que la patiente ayant refusé de participer à ce protocole, le Dr A… lui a indiqué qu’il serait alors procédé à une colposcopie classique avec le même appareil et s’est absenté momentanément pour aller chercher un instrument ; que, durant son absence, Mme D…a demandé au technicien, dont elle ne comprenait pas en quoi la présence était encore nécessaire, de sortir de la salle d’examen ; qu’ayant trouvé à son retour le technicien à l’extérieur de la salle et lui en ayant demandé les raisons, le Dr A… est revenu avec lui auprès de la patiente et a expliqué à cette dernière, qui s’était alors déshabillée en vue de l’examen, que, compte tenu des modifications subies par l’appareil de colposcopie pour les besoins du protocole de recherche, l’assistance du technicien était indispensable même s’il était procédé à une colposcopie classique ; que la patiente s’est alors mise en position d’examen ;
- Considérant que, eu égard, d’une part, au caractère intime de l’examen que devait subir Mme D… et, d’autre part, au premier refus qu’elle avait opposé à la présence du technicien, l’information tardive délivrée par le Dr A… à la patiente, qui s’est faite en présence du technicien dont la présence faisait litige et alors que la patiente était déjà déshabillée, ne peut être regardée comme loyale et appropriée au sens des dispositions précitées ; que, pour les mêmes raisons, et alors même que Mme D… s’est finalement mise en position d’examen, le Dr A… ne peut être regardé comme ayant recueilli de sa part un consentement éclairé ; que, par suite, c’est sans dénaturation des faits ni erreur de qualification juridique que la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a estimé, par une motivation suffisante, que, dans les circonstances particulières de l’espèce, le Dr A… avait manqué à ses obligations déontologiques résultant des articles R. 4127-35 et R. 4127-36 du code de la santé publique ;
- Considérant qu’en exigeant que le consentement de la patiente soit » formel », la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a seulement entendu indiquer qu’il devait être clair et non équivoque ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la chambre aurait commis une erreur de droit en exigeant que le consentement de la patiente revête une forme particulière doit être écarté comme manquant en fait ;
- Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L. 1110-2 du code de la santé publique : » La personne malade a droit au respect de sa dignité » ; que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la chambre disciplinaire nationale n’a pas inexactement qualifié les faits en estimant, par une motivation suffisante, que le Dr A… a, par son comportement, méconnu les » exigences déontologiques relatives au respect des malades « . »
L’obligation d’information constitue un droit fondamental du patient et un devoir du médecin.
Ainsi aux termes de l’article 35 du Code de déontologie médicale (article R.4127-36 du Code de la santé publique) : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ».
L’article L.1111-2 alinéas 1 et 2 du Code de la santé publique prévoit que : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser ».
Les manquements à une obligation d’information et les défauts de consentement (désignés dans les « Feuilles roses » du Conseil d’État sous la rubrique « Médecins – Devoir d’information du patient – Obligation générale d’information sur la présence d’un tiers lors d’un examen médical ») engagent la responsabilité médicale et/ou hospitalière.